Les projets et constructions défensives mises en place par Jacques-Philippe Mareschal (1689-1778) trouvent une cohérence et une homogénéité dans leur ensemble car, de par leur nature et leur étendue, ils prospèrent sur toute la côte du littoral méditerranéen. L’historien Didier Catarina indique qu’à partir de 1743, la côte de Languedoc va se garnir de douze signaux, trois redoutes, et une batterie fluviale. En ce qui concerne le Languedoc, la défense côtière s’avère différente de celles de ses voisins, le Roussillon et la Provence, par la seule nature de leurs sols et littoraux. Les quatre caps, avancés sur la mer Méditerranée, toujours de l’Ouest à l’Est sont : le cap de Leucate, le cap Romarin, le cap Saint-Pierre et le cap d’Agde.
La guerre de Sept ans a montré les faiblesses des côtes françaises. Elle a invité le royaume de France a renforcer sa marine et particulièrement la défense de côtes. Les anglais débarquèrent sur les côtes de Bretagne en baie de Cancale en juin 1758. Suite à cela, en novembre 1758, le maréchal de France Charles O’Brien de Thomond (1699-1761), commandant en chef du Languedoc, eut en charge l’inspection des cinq capitaineries de Languedoc. Il prévoyait de nouveaux ouvrages de défense jusqu’à sa mort à Montpellier en 1761. Trente ans auparavant, Mareschal l’avait probablement rencontré au siège de Kehl en 1733 alors qu’il se nommait Lord Clare. La même année 1758, le nouveau secrétaire d’Etat à la guerre, le maréchal Charles-Louis-Auguste Fouquet duc de Belle-Isle décide de renforcer plus encore l’ensemble du dispositif côtier du royaume déjà réfectionné depuis l’arrivée de Mareschal en 1739 en Languedoc.
A partir de 1760, des postes de surveillance sont définis et des fournitures alimentent régulièrement les signaux de la côte. Ayant examiné régulièrement les places fortes de Languedoc durant près de 35 ans, l’ingénieur peut ainsi réaliser l’ Atlas des places de Languedoc daté du 1er août 1775 . Il introduit un historique de chaque place forte et donne des descriptions de la côte et des ouvrages pour sa défense pendant la guerre de 1756 ainsi que des lavis correspondant à chaque mémoire. Les trois forts Richelieu, Saint-Pierre et Saint-Louis, à Sète, constituant, au Siècle des Lumières, l’ensemble défensif de la ville, sont indissociables de la sérénité commerciale du port de Sète. Ils appartenaient au département de Sète. Ces trois forts sont détaillés dans l’Atlas des places fortes de Languedoc de 1775 de Jacques-Philippe Mareschal. Ces trois mêmes forts s’intégraient au système Mareschal.
La troisième phase du projet Mareschal prend alors corps grâce à de Thomond. Les états de Languedoc votent quarante mille livres pour ces constructions. Malgré leur réticence à assurer ce financement, Mareschal soutenu par des hommes influents peut finaliser son dessein. Le système de défense est maintenant cohérent. Amendant ses projets quand il en reconnait les insuffisances ou les inconvénients, Mareschal fait avancer les travaux au mieux des possibilités de la province de Languedoc. Il fut soutenu avec vigueur par le marquis d’Asfeld, et par le secrétaire d’état à la guerre, Comte d’Argenson.
Recenser, répertorier et analyser ses mémoires et ses plans, permet de mettre en évidence la conception d’un système cohérent de défense tant au niveau architectural que militaire. Au cabinet et sur le terrain Jacques-Philippe Mareschal a défendu les intérêts de sa province d’adoption. Avec ce système réalisé sur une vingtaine d’années, avec bon sens et expérience, il a su tirer tous les avantages de la situation au gré des financements et des guerres. La multiplication des ouvrages fortifiés, modifiant sensiblement le paysage côtier, dota le littoral méditerranéen d’un élément d’identité commun. Son ambition était donc de doter la province de postes fixes. Tel un circuit devant former un espace infranchissable, la ligne de défense entreprise par Mareschal avait pour objet de bloquer l’ennemi. Mareschal énonçait un système à trois objectifs : garder, protéger, surveiller. Les plages devaient être imprenables : le système était basé sur une enfilade de redoutes simples, de redoutes à batteries et de tours à signal. Plus mentionné qu’analysé, le système Mareschal est toutefois présenté dans l’ouvrage Le Languedoc, le Roussillon et la mer, des origines à la fin du XXe siècle de Jean Rieucau et Gérard Cholvy. Didier Catarina, Bernard Cros, Henri Ribière ou encore l’historien Jean Sagnes ont menés préalablement des recherches, en 1992, sur la défense des côtes du Languedoc.
Après une période d’hiathus, nous avons voulu montrer par notre point de vue, l’intêret de ce sujet d’étude que caractérisent les travaux côtiers de Mareschal. Durant le 134e congrès national organisé en 2009 par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (C.T.H.S) ayant pour thème « Célèbres ou obscurs, hommes et femmes dans leut territoire et leur histoire », nous avons proposé, pour la section Acteurs célébres ou obscurs de l’aménagement du territoire, un éclairage sur la mise en place du système de défense des côtes méditerranéennes. Le titre de la communication dispensée était Jacques-Philippe Mareschal (1689-1778) : Une personnalité au service de l’architecture militaire en Languedoc au XVIIIe siècle.
Le projet de Mareschal a longuement mûri avant d’être définitivement mis en place. Pour toutes les sortes d’édifices dont il avait la charge, la qualité des matériaux lui importait. Les redoutes et forts qu’il a construits. et qui sont encore en élévation témoignent de leur solidité. Par exemple, la redoute du Grand-Travers montre encore à ce jour les qualités imposées par le directeur des fortifications. Après examen du projet de défense du littoral de Mareschal, trois cycles de production se dégagent en 1741, 1744 et 1758. Les deux premières années correspondent aux constructions et réalisations des édifices côtiers et la dernière année se réfère au procès qui suivit la réalisation du système. En homme d’expérience, Jacques-Philippe Mareschal propose une ligne d’ouvrages légers composée d’un ensemble d’une quinzaine de tours et forts dont l’objectif est de circonscrire la côte du Grau de la Vieille Nouvelle au Grau d’Orgon. Le golfe du lion sera de la sorte frangé de redoutes, forts qui affirmeront la puissance militaire des français face aux anglais. Si nous reprenons les termes du Maréchal de Thomond, l’ennemi est le «corsaire anglois». Comme le rappelle d’Argenson régulièrement dans ses Mémoires, au cours du XVIIIe siècle les frontières terrestres françaises étaient bien protégées, mais il n’en est pas de même pour les côtes maritimes menacées par les flottes anglaises, hostiles depuis 1688. L’ingénieur Antoine Niquet a rédigé un Mémoire sur les entreprises des ennemis aux côtes de Languedoc. Il n’était pas exagéré, de la part de Didier Catarina, d’intituler le chapitre relatifs aux grands travaux de Mareschal « Une lutte de longue haleine ».
La réalisation du projet de circonscription nommé « système Mareschal » fut très progressive à l’image de l’abandon dont elle est la victime.
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Vue du signal du Grand-Travers à La Grande-Motte, Jacques-Philippe Mareschal, photographie, La Grande-Motte, 2008, cliché Caroline Millot.
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Jacques-Philippe Mareschal, Plan d’une des redoutes à faire le long de la cote de Languedoc, 1741, plume lavis et encre noire, A.D. Hérault, C 816/1, 435 x 850 mm, cliché Caroline Millot.
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Extrait de la thèse de Caroline Millot, Jacques-Philippe Mareschal (1689-1778), ingénieur du roi et architecte au XVIIIe siècle (Volume 1), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en Histoire de l’art, CENTRE LEDOUX/INHA, EA HiCSA 4100, 2010.