vendredi 29 juillet 2011

250e anniversaire de la réception des Jardins de la Fontaine à Nîmes


CÉLÉBRATION
Colloque & projet associatif culturel

Les jardins de la Fontaine à Nîmes de Jacques-Philippe Mareschal : un héritage bousculé par le progrès des arts au XVIIIe siècle

Par Caroline Millot
Docteur en histoire de l'art

Pour citer cet article :
Caroline Millot, « Les jardins de la Fontaine à Nîmes de Jacques-Philippe Mareschal : un héritage bousculé par le progrès des arts au XVIIIe siècle » dans Le public et la politique des arts au Siècle des Lumières, Annales du Centre Ledoux, tome VIII, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, actes du colloque tenu à Paris les 17,18 19 décembre 2009, William Blake & co./Art & Arts, 2011, p. 295 à 304.


La fontaine va paraître sous une forme nouvelle, et fera revivre en même temps des monuments respectables, qui pour avoir été si longtemps ignorés, ne feront qu'exposer avec plus d'éclat la grandeur et la magnificence de leurs auteurs.
J.-P. Mareschal, Archives Municipales de Nîmes, Devis de 1745. 
Angelot soutenant un drapé fleuri, Pierre Hubert Larchevêque,
Jardins de la Fontaine de Nîmes, Cliché Caroline Millot, 2009.
Le 250e anniversaire du premier Salon de Diderot en 1759, est l'occasion d'une autre commémoration. En 2010 les Jardins de la Fontaine à Nîmes, qui furent inaugurés officiellement en juin 1760, célèbrent leur 250e anniversaire. Il n'est plus à souligner que Nîmes est connue et reconnue en tant qu'ancienne colonie romaine. Les architectures héritées de l'Antiquité sont bien présentes dans la ville avec, par exemple, la maison Carrée et l'amphithéâtre. Dressés, entre 1738 et 1760, d'après les plans de l'ingénieur Jacques-Philippe Mareschal (1689-1778), les Jardins de la Fontaine vinrent s'intégrer harmonieusement dans l’héritage hydraulique romain et par là même constituer un véritable patrimoine architectural. 
On traitera ici de la construction des Jardins de la Fontaine, de la réception et de son intégration dans la ville, éléments qui n'ont été présentés par la bibliographie que de façon éparse. Dans un premier temps, nous dégagerons chronologiquement les découvertes, ensuite nous exposerons la réalisation de l'ambitieux projet de Mareschal et, enfin, nous instruirons la réception de cette œuvre. Les sources où nous puisons proviennent essentiellement des archives de l'inspection du génie, des Archives nationales, des Archives du département de l'Hérault et des Archives municipales de Nîmes.

Les découvertes de la « Rome française » dès 1738, stimulant l'imaginaire des philosophes, des antiquaires, des artistes éclairés et autres savants, donnèrent lieu à des positions discordantesi. Des questions se dessinent alors. Ces découvertes constituent-elles un simple objet de curiosité ? Quelles influences, pour les arts dans le royaume, eut le voyage à Rome de Mareschal ? Il est nécessaire de rappeler préalablement quelques éléments biographiques concernant l'ingénieur et architecte parisien Jacques-Philippe Mareschal. Né en 1689, il fut formé à l'art militaire sous le commandement du marquis d'Asfeld. En 1707 Mareschal est reçu ingénieur du roi ; il œuvra dans la région Belfortaine jusqu'au printemps 1738. Après une trentaine années de bons et loyaux services dans l'est du royaume, il débute, à partir de juillet 1738, une seconde carrière en Languedoc, résidant à Montpellier et à Nîmes. 

L'héritage antique et les apports modernes
Au nord-ouest du centre ville, ce jardin français, où l'eau emprunte des canaux rectilignes bordant l'actuel quai de la Fontaine, se situe à l'extrémité de l'Avenue Jean-Jaurès, à l'emplacement d'un sanctuaire antique. Les prémices d'un changement urbanistique se firent sentir dès la fin du XVIIe siècle. Un relevé des états des fontaines de Nîmes de 1695 mentionne l'usage des eaux par les teinturiers, les tanneurs et les blanchisseurs, lesquels se servaient de l'eau de la Fontaine à Nîmes pour leurs ouvragesi. Au commencement, les sécheresses régulières durant la première moitié du XVIIIe siècle poussèrent les Etats généraux du Languedoc à rétablir les eaux de la source pour le lavage des soies et des laines, le territoire se devant d'être productif. 
Afin de satisfaire à ce besoin d'adduction, différents projets d'aménagement furent proposés par des architectes et ingénieurs, pour la plupart originaires de la province de Languedoc. En juin 1738, les travaux furent confiés par la Ville de Nîmes à l'ingénieur Pierre Guiraud qui entreprit promptement le creusement du bassin de la source. Il dressa à Nîmes, le 24 juillet 1738, un Mémoire sur le moyen le plus simple de faire venir dans Nîmes toute l'eau que sa fontaine peut fournir. Les deux principaux points soulignés par Guiraud consistent à donner une issue plus grande et plus basse à l'eau et à fermer les passages par où les eaux peuvent s'échapper ; poursuivant, il affirme que « c'est ici un projet très intéressant pour le public » et qu’il « serait fort à propos de le lui communiquer afin que, si les personnes intelligentes, après l'avoir bien examiné, trouvaient à y faire quelques additions ou quelque réforme, on peut profiter de leurs bons avis ». Il ajoute dans le même temps qu'il ne peut faire nulle mention supplémentaire, cela devant être la matière d'un devis dont il n'est pas encore question et qu'il ne lui serait pas même possible de dresser. 
Cette même année 1738 Jean de Clapiès, le directeur des travaux publics de la province, Esprit Dardailhon, l'architecte de la ville et Louis Mathieu livraient tour à tour des plans. Dominé par les ruines de la tour Magne, le site révèle les vestiges des monuments du culte de Nemausus, divinité tutélaire de la source. A partir de ces découvertes fortuites, les écrits commencèrent à fleurir sous toutes les plumes. Juriste de formation, Léon Ménard (1703-1767) a rapporté les premières découvertes comme les deux exèdres à escaliers, les murs d'enceinte ou encore les piédroits d'un pont à trois arches. Il rédige des Observations sur quelques anciens monuments que l'on a découverts en creusant la fontaine de Nîmes au mois d'aout 1738. Voltaire écrivait alors de lui : « Il faut pourtant lui reconnaître d'avoir établi le seul inventaire détaillé et illustré des vestiges de la Fontaine; mais pas seulement cela : le contenu de son étude est exemplaire de cette cohabitation entre rêve, érudition et science qui fait le charme et la densité de cette période ». Sur le terrain, l'ingénieur Clapiès continue d'œuvrer jusqu'à sa mort en 1740. La suite des travaux est alors reprise par Mareschal, dès le mois de décembre 1740. Un arrêt du conseil d'Etat le charge de l'examen, de la vérification et de la direction des travaux à faire à la fontaine de Nîmes. Il paraît précisément que les connaissances en hydraulique de Mareschal l'ont départagé des autres ingénieurs. Le 8 septembre 1741, Mareschal adresse à la direction des fortifications un mémoire et le Plan de la fontaine de Nîmes et des nouvelles découvertes des mois d'août et de septembre 1741.

Format 24 x 17 cm
ISBN  978-2-84103-190-0 
Prix  52 €

Pour plus de renseignements sur le colloque :

Pour plus de renseignements les Editions du GHAMU :

Le colloque de 2009 était le dernier que le Centre Ledoux eut organisé, après dix-huit années. Ce fut un honneur d'être présente au côté de la communauté de chercheurs en histoire de l'art sur le XVIIIe siècle pour fêter le départ en retraite du Professeur émérite à la Sorbonne Daniel Rabreau qui fut durant trois années mon directeur de recherche. La célébration du 250e anniversaire de la réception de l'oeuvre magistrale de Mareschal, à savoir les Jardins de la Fontaine, est née lors de ma participation au colloque de la célébration du 250e anniversaire du premier salon de Diderot en 2008. Ce dernier colloque fut organisé par l'association GHAMU (Groupe Histoire Architecture Mentalités Urbaines), le Centre Ledoux, l'équipe d’accueil Histoire culturelle et sociale de l'art (HiCSA) de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne) avec le concours de la Ville de Paris, la délégation aux célébrations nationales (Ministère de la Culture et de la Communication et l'Institut national d'histoire de l'art (INHA).

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